Deux frères

« Le plus important n’est pas de savoir d’où on vient mais de savoir où on va » dit Michel Schneider. Avec son frère Rolf, ils ont connu des débuts difficiles dans la vie. Qu’à cela ne tienne, ils s’en sont servis comme d’un tremplin afin de devenir des instruments de bénédiction pour les autres—Michel comme pasteur, Rolf comme chanteur et évangéliste. Voilà une conversation que nous avons eu avec eux.

Parlez-nous un peu du contexte dans lequel vous êtes né.

Michel : L’Allemagne d’après-guerre était en souffrance. Les Américains avaient établi des bases militaires un peu partout dans le pays, notamment à Pirmasens où je suis né le 22 février 1954 d’un papa américain GI et d’une maman allemande.

Après la naissance de Rolf, l’année suivante, notre père nous a quittés. Notre maman qui n’a pas pu assumer notre éducation nous a confiés à une famille d’accueil à Freyming Merlebach en France. J’avais 18 mois.

En 1956, un troisième frère, Jean Pierre, nous a rejoints dans la famille Schneider qui nous a adoptés. Nous sommes en tout trois frères et deux sœurs de la même maman et de quatre pères différents.

Avez-vous connu votre maman ?

Michel : Ma maman nous rendait visite une ou deux fois par an jusqu’à l’âge de dix ans. Malgré les cadeaux qu’elle apportait d’Allemagne, ses visites étaient déstabilisantes et ravivaient à chaque fois un fort sentiment d’abandon et de rejet.

Que ressentiez-vous exactement ?

Michel : J’aurais surtout voulu avoir des réponses à mes questions : « Pourquoi mon père nous a-t-il quittés ? Pourquoi ne nous a-t-il pas reconnus ? Pourquoi ma mère nous a-t-elle laissés ? Quel est le sens de ma vie ?.. »

Comment vos parents adoptifs ont-ils réagi ?

Michel : Ils se sont montrés compréhensifs et n’ont jamais exprimé de jugement à l’égard de ma mère. Cela nous a certainement gardés de sombrer dans le ressentiment ou la haine.

Qu’est-ce qui était le plus difficile à vivre ?

Michel : Mes souvenirs les plus pénibles sont souvent associés aux démarches administratives. Au moment de présenter un acte de naissance ou la carte d’identité, il se trouve qu’à l’emplacement prévu pour le nom du père il y a un vide, rien. Ca fait drôle.

Vos parents adoptifs étaient-ils chrétiens ?

Michel : Ma maman adoptive était d’origine catholique et mon papa d’origine protestante. Bien qu’ils ne fréquentaient pas l’église, ils nous envoyaient à l’église protestante de Freyming-Merlebach pour le catéchisme et le culte. C’est à cette époque qu’une missionnaire anglaise, Betty Stevens, qui travaillait parmi les enfants et les ados, s’est beaucoup investie pour nous. Elle venait me chercher avec sa 2CV pour m’emmener dans des réunions où les gens exprimaient leur foi très simplement.

Ces rencontres exerçaient une influence très positive sur ma vie. J’étais encouragé, entouré, aimé.

Vous êtes devenu chrétien, pouvez-vous nous dire comment ?

« Un jour,”Tante Betty”, c’est ainsi qu’on l’appelait, m’a prêté la biographie d’Hudson Taylor, le fondateur d’une mission en Chine. Ce livre a été un déclic.

J’ai été surtout frappé par le témoignage du père d’Hudson Taylor, son engagement clair et cohérent m’a interpellé, alors que j’étais moi-même en quête d’absolu. En réalisant qu’il commettait une grande erreur, il a eu le courage de rompre avec sa fiancée, juste avant son mariage

« A partir de ce moment j’ai décidé de suivre Jésus pour pouvoir le servir le mieux possible.

Certaines personnes se cachent derrière leurs blessures pour excuser leur caractère difficile ou leur comportement agressif. Quel message voudriezvous leur communiquer ?

Michel : J’ai moi-même été tenté de me retrancher derrière mes blessures et de m’apitoyer sur moi-même. Très sincèrement ce n’est pas une solution. Il faut savoir tirer un trait sur son passé et se tourner vers l’avenir. Jésus m’a donné la possibilité de le faire. J’ai pardonné à mon père et j’ai pardonné à ma mère. Le meilleur est que ce qui était pour moi une source de souffrance est devenue une source de bénédiction.

Mes blessures les plus profondes, les trous et manques affectifs, la séparation, le rejet, sont devenus une réelle bénédiction pour les autres, à cause de l’amour de Dieu qui a guéri mon cœur meurtri. Dieu change le mal en bien. Le plus important n’est pas de savoir d’où on vient mais de savoir où on va.

Vous exercez aujourd’hui un ministère pastoral. Pouvez-vous nous dire un mot sur votre parcours ?

Michel : Après l’école d’évangélisation à Lausanne en 1974, j’ai eu l’occasion de travailler pendant 4 ans avec Jeunesse en Mission. J’y ai rencontré mon épouse Evelyne avec qui nous avons 4 enfants –et des petits-enfants. Installés à Strasbourg, nous avons rejoint l’église évangélique de Pentecôte dans laquelle nous avons oeuvré dans une école de disciples sous la direction et responsabilité du pasteur Daniel Hébert.

Envoyés à Sélestat, une ville de la Moyenne Alsace, nous y avons exercé un ministère pastoral durant 16 ans. Nous sommes revenus à Strasbourg en 1999 pour y vivre notre ministère dans le cadre de l’église évangélique de Pentecôte, l’Epis.

Quelle est aujourd’hui votre vision de l’église ?

Michel : Nous vivons des temps difficiles. La société a considérablement évolué. Mais le cœur humain n’a pas changé. Il a besoin de paix, de pardon, de réconciliation. Il a besoin d’être relié à Dieu qui est notre véritable Père.

L’église a besoin de retrouver le sens de sa mission. Son plus grand défi est de vivre et partager le message de l’évangile dans un langage compréhensible par tous. Notre époque nous offre une formidable occasion d’aller vers les personnes en recherche, de manière adaptée, pour faire connaître que Jésus Christ change les vies et donne un sens à notre existence.

L’église est pour moi la famille de la deuxième chance au sein de laquelle je découvre un chemin de guérison pour mes blessures, mais où j’apprends également à m’investir pour les autres en me détournant de moi.

(Pour plus de détails vous pouvez vous rendre sur le site de l’église : epis-strasbourg.eu)

 

Rolf Schneider est né le 11/4/55 à Pirmasens (RFA). Frère de Michel,il a été adopté en même temps que lui. Aujourd’hui, il a un ministère qui touche plusieurs nations—on a même traduit un de ses chants en Japonais ! Il nous raconte comment il a vécu son enfance et comment le Seigneur se sert de lui maintenant.

Quel âge aviez-vous quand vous avez été placé dans la famille d’accueil ?

Rolf : J’avais quelques semaines à peine. En grandissant, j’ai bien connu ma mère biologique (terme que je trouve horrible…), elle était en somme devenue comme une de mes tantes, avec peut-être un peu de distance car elle ne voulait pas interférer dans notre nouvelle famille. Je garde d’elle ce souvenir de femme allemande d’après-guerre; je dirais aujourd’hui qu’elle était une beauté sacrifiée.

Beauté, parce que je l’ai toujours trouvée belle. Sacrifiée à cause de la guerre qui engloutit une génération.

Beaucoup d’hommes, voire des adolescents allemands sont morts dans cette guerre. Outre les nombreuses veuves et orphelins, beaucoup de jeunes filles ont vu leur destin se briser, sans possibilité de se marier. Des femmes avec un avenir prometteur se sont retrouvées dans la pauvreté et la solitude.

Je n’ai pas connu mon vrai père. J’aurais eu le désir de le rencontrer simplement pour lui dire merci de m’avoir donné la vie.

Racontez une anecdote qui symbolise pour vous votre enfance. Comment étiez-vous ?

Rolf : Enfant, j’étais assez réservé et solitaire. Lors de ma première classe de catéchisme, c’est mon frère Michel qui a répondu à ma place, lorsque la dame m’a demandé mon prénom. J’ai eu des passages où j’étais terriblement angoissé par les questions de la vie et de la mort. Je n’osais en parler à personne car il me semblait qu’autour de moi personne ne se posait ce genre de questions. La découverte de la Bible à l’âge de 10 ans m’a apporté un peu d’apaisement.

Vous êtes musicien. Cet amour pour la musique a commencé tout petit ou votre ambition a t-elle été de jouer pour l’équipe nationale de football ?

Rolf : C’est vers 13-14 ans que Michel m’a montré les premiers accords de guitare. Il les avait lui-même appris de gitans qui habitaient près de chez nous. On a également monté un trio de Gospel et commencé à faire des concerts. Je n’aurais jamais imaginé, à l’époque, que je ferais cela à plein temps.

Quels étaient vos sentiments vis-à-vis Dieu en grandissant ?

Rolf : J’ai toujours cru que Dieu existait, mais je ne savais pas qu’il était accessible. Il me semblait reclus quelque part dans la pénombre des églises et silencieux. J’ai le vague souvenir d’avoir traîné les pieds sur le sol d’une église sombre et mon père qui me faisait : « chut » pour que je ne réveille pas Dieu…

Quel était le catalyseur qui vous a conduit à choisir de donner votre vie au Seigneur ?

Rolf : Il y a eu de nombreux événements. Mon cheminement a plus été une progression.

Il y a d’abord eu la découverte de la Bible à 10 ans. C’était l’école du dimanche et le catéchisme avec deux missionnaires anglaises qui avaient certainement beaucoup prié pour les enfants des cités où elles intervenaient. Il y eut des grands rassemblements avec différentes églises.

A 16 ans, lors d’un tel rassemblement, j’ai discrètement levé ma main lors d’un appel et intérieurement une joie intense m’a habité lorsqu’on a quitté la réunion. Et puis, il y eut le groupe de jeunes : les moments de chants, de prière, de méditation de la parole et de témoignage. Et les camps, avec la compréhension nouvelle de l’appel de Dieu pour moi, les demandes de pardon, les choix d’une vie engagée avec Dieu. Je dirais que ma conversion était un parcours de 10 ans, où chaque étape était importante. Le baptême, à 20 ans, était le jalon qui scellait mon engagement de suivre Jésus comme Sauveur et Seigneur.

A 20 également, je vendais les seuls biens que j’avais : une guitare et une paire de ski et je partais pour Jeunesse en Mission.

Quels furent les changements dans votre vie après cette expérience ?

Rolf : Comme je n’étais pas un Nicky Cruz et que je n’avais jamais volé dans le porte-monnaie de ma maman, il n’y avait extérieurement pas forcément de grands changements. Intérieurement par contre, je crois que je savais beaucoup mieux qui j’étais et que j’avais une destinée.

Quand avez-vous commencé à écrire des chants ? Diriger la louange ?

Rolf : J’ai écrit mon premier chant de louange, lors de notre retour de voyage missionnaire d’Afrique, en 1976.

Il s’agit du chant : « Jésus, mon bien aimé ». Les débuts étaient assez laborieux et mes connaissances musicales limitées.

Linda, une amie de Jeunesse en Mission transcrivait mes chants alors que je me donnais du mal à essayer de lui chanter les mélodies. Après plusieurs années, j’ai décidé de me former un peu plus sérieusement et j’ai donc suivi plusieurs semestres de cours à l’Ecole de Jazz et Musique Actuelle de Lausanne.

Lors de notre voyage missionnaire qui devait nous amener jusqu’à Abidjan en Côte d’Ivoire, en traversant le Sahara, nous nous sommes arrêtés à Madrid. Un matin une fille de l’équipe est venue me trouver et m’a dit texto: « Rolf, j’ai prié et le Seigneur m’a montré que je devais t’acheter une guitare. Alors, on est à Madrid, il y a plein de magasins de musique. On va aller dans un magasin, tu choisis une guitare et moi je la paie. » Au-delà de l’anecdote, je réalise maintenant avec le recul que c’est Dieu qui essayait de me dire en quelque sorte: “ Tu vois, ce que tu as sacrifié pour me suivre, je te le redonne mais en mieux !” Une nouvelle porte venait de s’ouvrir.

En regardant vos chants, il semble que vous aimez beaucoup la louange du Seigneur. Est-ce qu’il y a quelque chose dans votre expérience qui a déclenché cet amour de la louange ?

Rolf : Les samedis soir de réunions de groupe de jeunes et notamment un camp d’été avec Jeunesse en Mission m’ont permis de découvrir la louange. A partir de ce moment, la louange a fait partie de ma culture. Aujourd’hui, c’est un privilège que cela fasse également partie de mon travail.

Quel est votre ministère en ce moment ?

Rolf : Je continue à exercer un ministère dans 4 axes. a. La louange b. L’évangélisation dans les prisons, la rue, les salles de concerts, les bars etc… avec le groupe Visa c. La formation, au travers de stages ou de coaching de groupes de louange dans les églises. d. L’enregistrement et l’édition.

Est-ce qu’on a oublié une question importante ?

Rolf : Est-ce que tu as connu des épreuves ? L’épreuve la plus importante de notre vie a été la perte de Prisca, notre 3ème fille, à l’âge de 11 ans, en 1999. Je ne comprends d’ailleurs pas comment on a réussi à y survivre. La seule chose que je sais aujourd’hui, c’est que la grâce de Dieu nous a portés. Quand on était au fond du trou, au milieu des larmes, il y avait une paix qu’on ne peut pas décrire. Cette année-là, notre fille aînée a demandé le baptême. Maintenant, après une formation d’enseignante spécialisée, elle prépare à faire une école de disciples avec Jeunesse en Mission, au Venezuela.

Quels sont vos chants les plus connus ?

Rolf : Le chant : « Ton nom » est probablement le plus connu. Il a été même traduit en malgache et en japonais.

Est-ce qu’il y a un chant qui résume ce que le Seigneur a fait dans votre vie ?

Rolf : Une quarantaine de mes chants sont édités dans les recueils de Jeunesse en Mission. Difficile pour moi de faire un résumé sur un parcours de plus de 30 ans. De plus, avec Jésus, le meilleur est devant nous…

Des blessures, des frustrations, et oui, les joies et ses bénédictions forment notre coeur. Chez Rolf, ce qui jaillit est une louange au Seigneur :

Ton nom, loin des bruits de la ville, Ton nom, comme du miel sur mes lèvres Ton nom, Ton nom Emmanuel.

Solide comme le roc, fidèle plus qu’un ami, Beau comme le plus précieux des diamants.

Ton nom, comme un parfum de grand prix, Ton nom, comme une brise légère; Ton nom,

Ton nom, Emmanuel. Solide comme le roc, fidèle plus qu’un ami, Beau comme le plus précieux des diamants.

TON NOM 1992 Rolf Schneider (JEM2)

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