Exposé aux tires allies

Charles Gisquet

Mon père était un grand mutilé de guerre. Il faisait partie de ces « poilus » que l’on appelle: « Les Gueules Cassées ». Il avait lui-même participé à cette terrible bataille du « Chemin des Dames ». C’est là qu’il fut blessé, et son visage était profondément marqué par d’horribles cicatrices.

Quand j’étais enfant, je lui demandais de me raconter l’événement. Il n’aimait pas le faire car cela devait être pour lui un trop douloureux souvenir.

Mais je me souviens d’une phrase…, il me disait : « Tu vois, c’est un obus français qui nous a atteints. Plusieurs sont morts et quelques-uns, comme moi avons été gravement blessés » .

Voilà le drame : ils ont été exposés « au tir allié ». Oui, un tir qui n’aurait jamais dû les atteindre, mais on ne sait pour quelle raison, il a semé la mort pour les uns et de très graves blessures pour les autres ; et cela dans les rangs de ceux qui étaient du même camp !…

Il n’y a rien de plus terrible dans la vie que d’être ainsi atteint dans son coeur, dans son âme, dans sa famille, dans son honneur par “un tir allié”.

Nos « alliés »

Nos « alliés » sont tous ceux qui nous sont proches, que nous avons côtoyés, avec qui nous avons sympathisé, éprouvé des sentiments de confiance, d’amour fraternel ; ce sont aussi ceux avec qui nous avons partagé des soucis, porté ensemble des fardeaux et remporté des victoires.

De nombreuses choses nous rapprochent de nos « alliés » et nos points communs ont une valeur inestimable. La même origine nous unit car notre repère commun est une personne : le Christ, son oeuvre, sa grâce, sa puissance régénératrice !

Bien que nous venions tous d’horizons les plus divers, Christ a fait de nous tous des « frères » dans la même famille, celle de Dieu; des « alliés » dans le même camp, qui est l’Eglise. Nous partageons des joies, des peines, des luttes et des victoires.

C’est une amitié très forte qui unit tous ces « alliés » avec le temps et une liberté qui va au-delà de la mesure, certains arrivent à de la familiarité. Or, à cette étape de la relation humaine, on prend des risques. En effet, c’est là que l’on pénètre l’intimité des autres.

Alors, ce ne sont plus les qualités, les vertus qui apparaissent, mais les lacunes, les imperfections, osons le dire, c’est là que l’on voit les défauts, les erreurs et dans certains cas, le péché. La manière de penser visà vis de l’autre n’est plus du tout la même. En nous s’éveillent des sentiments qui ne devraient jamais exister entre personnes « alliées ». L’estime s’émousse, la confiance disparaît, le jugement devient sévère et la critique virulente.

Alors que l’on devrait s’approcher de la personne – parce qu’elle est notre « alliée » – pour lui dire ce que l’on croit voir en elle, ce qui, à nos yeux, paraît comme une faute, on commet ce qui devient un drame, on s’éloigne.

Toutes les excuses sont justifiées pour ne pas lui parler. Mais on confie la chose à quelqu’un d’autre que l’on croit de confiance. Et ainsi la nouvelle se répand. On fait connaître la « chose » en ajoutant son appréciation personnelle, qui sera suivie de l’appréciation des autres. Généralement, cela ne fait qu’aggraver la situation. Et ainsi on parle, on parle, on parle… sur l’autre !

On dit, on raconte, mais non, disons-le, on « tire sur lui ou elle ». On l’expose au feu de la langue, à ce monde de l’iniquité qui souille tout le corps et qui enflamme tout le cours de la vie, cette langue qui est un mal que l’on ne peut réprimer, car elle est pleine d’un venin mortel (Jacques 3/6 à 8).

C’est ainsi que des frères et des soeurs dans la foi sont « exposés aux tirs alliés ». Les uns sont blessés, mais d’autres en meurent. Parler sur quelqu’un ou contre quelqu’un, surtout si c’est un frère, c’est comme « tirer sur lui ».

Combien sont-ils ceux qui sont blessés comme sur un champ de bataille ? Trans- percés par les flèches aiguës des critiques, des médisances, des calomnies dont ils ont été l’objet. Certains, blessés au plus profond de leur âme mais abandonnés au bord du chemin, attendent que quelqu’un s’arrête pour les soigner, les réconforter et les transporter à la maison du Père.

Qui voudra entendre leurs gémissements ?… Qui voudra leur venir en aide ?… N’y aura-t-il personne ? …

Tué par une langue ?

Mais que dire de ceux qui sont morts, car la langue de leurs frères, leurs « alliés », les a tués. Leur espérance est morte ; leur foi est morte. Leur coeur ne bat plus pour Dieu parce qu’ils ont été « exposés aux tirs alliés », ces tirs qui auraient dû au contraire atteindre l’ennemi.

Car c’est sur l’ennemi qu’il faut tirer et non sur les frères, c’est lui qu’il faut viser et détruire. Ces paroles, dites sur les frères, « les alliés », oui, « ces tirs » les ont atteints et ont détruit en eux toute vie spirituelle. C’est arrivé par négligence ?.. par erreur peut-être?… par la faute de ceux qui parlent sur les autres?… Qui le dira ?…

Alors, assez de blessés dans les rangs des croyants, et surtout assez de morts à cause des « tirs alliés » qui peuvent les atteindre ! L’heure est venue d’utiliser la langue comme Dieu le veut. Car Dieu veut que notre langue soit un membre noble et bienfaisant.

Regardons plutôt ce que la Bible en dit:

* Proverbe 17/9: « Celui qui couvre une faute cherche l’amour, et celui qui la rappelle dans ses discours divise les amis. » * Proverbe 10/20: « La langue du juste est un argent de choix (… ) » * Proverbe 15/23 : « On éprouve de la joie à donner une réponse de sa bouche; et combien est agréable une parole dite à propos ! » * Proverbe 12/25. « L’inquiétude dans le coeur de l’homme l’abat, mais une bonne parole le réjouit. » * 2 Corinthiens 5/19: « Car Dieu était en Christ et il a mis en nous la parole de la réconciliation. » * Ephésiens 4/29 « Qu’il ne sorte de votre bouche aucune parole mauvaise, mais, S’il y a lieu, quelque bonne Parole, qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui l’entendent. » * Colossiens 4/6: « Que votre parole soit toujours accompagnée de grâce, assaisonnée de sel, afin que vous sachiez comment il faut répondre à chacun. » * 1 Timothée 4/12 « ( … ) sois un modèle pour les fidèles, en parole, en conduite, en amour, en foi, en pureté. »

Il est bien que nous fassions nôtre cette parole d’Esaïe: 50/4. « Le Seigneur, l’Eternel, m’a donné une langue exercée, pour que je sache soutenir par la parole celui qui est abattu. »

 

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