Les pont-levis

Il y a l’histoire d’un pasteur principal qui a dit un jour à sa famille ecclésiale: “Ma porte est toujours ouverte,” et il le pensait vraiment. Les gens venaient le voir toute la journée et tard dans la nuit avec leurs besoins, leurs questions et leurs problèmes. En moins d’un an, il était épuisé, frustré et spirituellement à sec. Un mentor lui a donné ce conseil: “C’est bien d’avoir une porte ouverte, mais c’est aussi sage de savoir quand la fermer.” Henri Nouwen a écrit: “Pense à un château médiéval entouré de douves. Le pont-levis est le seul accès à l’intérieur du château. Le seigneur du château doit avoir le pouvoir de décider quand lever le pont et quand le baisser. Sans ce pouvoir, il peut devenir la proie d’ennemis, d’étrangers et de vagabonds. Il ne se sentira jamais en paix dans son propre château. C’est important pour nous de contrôler notre propre pont-levis. Il doit y avoir des moments où on garde notre pont levé et où on a la possibilité d’être seul ou seulement avec ceux dont on se sent proche. On ne doit jamais se permettre de devenir un bien public, où n’importe qui peut entrer et sortir à sa guise. On pourrait penser qu’on est généreux en donnant accès à tous ceux qui veulent entrer ou sortir, mais on se rendra vite compte qu’on perd notre âme. Quand on revendique le pouvoir sur notre pont-levis, on découvre une nouvelle joie et une nouvelle paix dans notre cœur et on se retrouve capable de partager cette joie et cette paix avec les autres.” Le pont-levis représente des limites saines ou le pouvoir de décider qui a accès à notre vie intérieure. Proverbes 4:23: “Avant tout, garde ton cœur, car tout ce que tu fais en découle.” Il y a des moments où on doit lever le pont-levis. Pas par orgueil ou par peur, mais par discernement et sagesse. Quand on lève le pont-levis de notre vie intérieure, on n’est pas égoïste, on est sage. Les limites sont nécessaires pour notre santé mentale, émotionnelle et spirituelle. Tout soignant le sait ou finit par l’apprendre. On ne peut pas donner ce qu’on n’a pas. L’un des comportements les plus destructeurs que nous ayons en tant que disciples du Christ est de laisser les liens des autres devenir nos propres liens. On dit souvent: “Les gens vont te provoquer jusqu’à ce qu’ils fassent ressortir ton côté sombre, puis ils joueront les victimes quand tu y céderas.” Si on ne fait pas attention, on peut laisser des personnes toxiques entrer et sortir de notre vie, laissant derrière elles une traînée d’autodestruction et de troubles que nous pouvons ramasser et intégrer dans notre propre esprit et notre âme, intentionnellement ou non. On est responsables envers les autres, mais on n’est pas responsables des autres. Chaque personne est responsable de ses propres choix et décisions dans la vie. C’est à nous de décider si on laisse quelqu’un nous influencer avec la négativité ou la positivité de ses décisions. Si quelqu’un se fâche parce qu’on a fixé des limites, ça prouve juste que ces limites sont nécessaires. S’il est vrai que nous devons tendre la main aux autres lorsqu’ils en ont besoin, si nous permettons aux autres de déterminer ce que nous pensons de nous-mêmes ou de la vie en général en assimilant leurs choix dans notre vie, leurs chaînes deviennent les nôtres. Nous pouvons devenir fatigués, irrités, en colère, rancuniers et remplis de dégoût de nous-mêmes. Dieu souhaite que nous menions tous une vie saine, tant sur le plan spirituel qu’émotionnel. Il est écrit: “On n’est pas obligé de se brûler pour réchauffer les autres.” Même Jésus ne s’est pas confié à tout le monde. Jean 2:24: « Jésus ne se confiait pas à eux, car il connaissait tout le monde.” Ce n’est pas de la froideur, c’est de la lucidité. Jésus savait faire la différence entre l’ouverture et la surexposition. Il se rendait disponible pour les personnes réceptives, mais pas pour tout le monde. Jésus était stratégique dans le partage de lui-même. Luc 4:42: “Au lever du jour, Jésus se rendit dans un endroit isolé. Les gens le cherchaient et, lorsqu’ils arrivèrent là où il était, ils essayèrent de l’empêcher de les quitter.” C’est une bonne leçon pour nous tous aujourd’hui. On ne doit pas laisser le pont-levis fermé ou ouvert tout le temps. C’est en trouvant un équilibre que nous pouvons nous concentrer sur le Père et les personnes qu’il veut que nous servions, et les servir de la bonne manière. Nous trouvons cet équilibre en comptant sur le Saint-Esprit pour nous donner le discernement dont nous avons besoin. Nous pouvons démissionner de notre rôle de gestionnaires de l’univers. Le monde continuera de tourner. Ce n’est pas nous qui contrôlons, c’est Dieu. Nous n’avons pas à sauver constamment le monde. Dieu est éveillé et à l’œuvre.
